Le ressort de la brigade de Maréchaussée de Rodez en 1766

Atlas du Rouergue

Écrit par Jean-Yves Bou et publié le 03 Nov 2017

6 minutes de lecture

Mathieu Raynal, auteur d'un mémoire de maîtrise et de plusieurs articles sur la maréchaussée en Rouergue au XVIIIe siècle, m'a communiqué une copie d'un document des Archives départementales du Tarn-et-Garonne sous la cote 7 B 5, titré :

Etat des paroisses et communautés de l'arrondissement de la brigade de Rodez - Mareschaussée - 1766

Arrondissement signifiait alors ressort ou circonscription.

En 1766, il existait sept brigades de maréchaussée en Rouergue : Rodez, Villefranche, Espalion, Mur, Millau, Vabres et Nant ou Sauclières (voir commentaires).

Mais en 1770, l'établissement de nouvelles brigades dut entraîner une modification des circonscriptions précédentes. Celle de Rodez fut forcément réduite par la création de la brigade de Viarouge et sans doute par celle de Rieupeyroux.

(voir Mathieu Raynal, La maréchaussée rouergate à travers les registres paroissiaux).

Le document de 1766 est composé de deux parties : une liste de paroisses, subdivisée en quatre secteurs, puis une liste dite de communautés petites

AD 82 - 7B5 - maréchaussée 1766.JPG montage photographique du document - les deux derniers noms inscrits sur la quatrième page sont intégrés en bas à droite de la troisième page

Ce document m'a permis de dresser la carte suivante :

Brigade de maréchaussée de Rodez 1766 subdivisions en couleurs 2.jpg

Analyse du document

Le premier secteur, non dénommé

Il donne une liste cohérente de paroisses situées au Nord-Est de Rodez, en un seul tenant.

Une curiosité toutefois : le nom de Grandmas est suivi par celui de Muret et Valorlles, qui doit correspondre à Mouret-Vareilles, l'ensemble ne faisant qu'une seule et même paroisse.

Basse Marche

C'est le nom donné au second secteur, qui ne correspond pas à la Basse-Marche historique, et qui comprend deux ensembles de paroisses bien distincts, l'un à l'Ouest de Rodez et l'autre au Sud-Est.

Ce deuxième ensemble est "troué" par l'oubli de la paroisse de Viarouge, alors que les paroisses attenantes sont toutes mentionnées. À moins que ce ne soit pas un oubli, car Viarouge, situé sur la route des intendants, pouvait être sciemment rattaché à la brigade de Millau, et ce serait le rattachement des paroisses voisines à Rodez qui aurait été établi selon une autre logique administrative (lien avec Ségur et Salles-Curan).

On y trouve aussi la paroisse du Monastère, située juste au Sud de Rodez, mais isolée des deux ensembles de noms.

La Rivière

Troisième secteur s'étendant au Nord-Ouest de Rodez. La paroisse de Cransac est dans la liste, mais comme un isolat au-delà de celles d'Auzits et de Firmi qui ne sont pas mentionnées.

Peyralés

Ce quatrième secteur ne correspond pas exactement à la région appelée Peyralès : il n'en occupe qu'une partie, d'où sont exclus des villages comme Pradinas ou La Salvetat-Peyralès, et même Castelnau-Peyralès, et il s'étend largement à l'Est du Peyralès (sur le Begonhès, par exemple).

Là aussi une paroisse forme un isolat : celle d'Albanhac, au-delà de Sauveterre.

Rodez et ses alentours : hors de la liste des paroisses

Curieusement, la ville de Rodez et ses alentours sont omis de la liste, sans doute parce qu'il était normal qu'ils fassent partie du ressort de la brigade. Cela concerne les paroisses de Notre-Dame-de-Rodez, Saint-Amans, Sainte-Catherine, Saint-Martin-des-Prés, La Madeleine, Saint-Félix-de-Rodez, Saint-Martin-de-Limouze et Saint-Africain-de-Limouze. Par contre, la paroisse du Monastère est dans la liste.

Les communautés petites

La dernière partie du document dresse une liste guère cohérente de 31 communautés, qui étaient clairsemées autour de Rodez.

J'émets l'hypothèse que la communauté appelée Castanet était en fait celle de Castan (actuelle commune de Druelle), seule solution concordant avec le reste de la liste.

La plupart sont effectivement des petites communautés, mais on y trouve aussi la très grande communauté de Montrozier, ou des communautés de taille moyenne comme Causse-Sébazac ou Le Vibal.

Certaines de ces communautés sont totalement comprises dans les paroisses listées auparavant, si bien que l'on se demande pourquoi leur nom a été ajouté.

D'autres font partie du secteur de la ville de Rodez et ses alentours, comme Agnac, Combelles ou Touazac, mais la liste des communautés ruthénoises est loin d'être complète, il en manque beaucoup, comme Ampiac, Floyrac, Randeynes, etc.

Trois cas peuvent nous interpeler. Il s'agit de communautés qui sont en partie sur une paroisse de la liste qui précède, et en partie sur une ou plusieurs paroisses non citées par le document :

La carte ci-dessus ne tient pas compte de ces trois derniers cas.

Ce document crée un ressort globalement cohérent, qui forme un large cercle autour de Rodez, un peu plus étendu vers le Sud-Ouest que dans les autres directions, en lien avec l'absence d'une autre brigade de maréchaussée rouergate dans ce secteur.

Le fait que cette liste comporte successivement des noms de paroisses et des noms de communautés pourrait témoigner de la difficulté de l'administration à maîtriser la complexité de la géographie administrative du Rouergue de l'Ancien régime. Le cadre de référence aurait dû être celui des communautés, mais l'utilisation du cadre paroissial devait être plus simple pour les rédacteurs de la liste, car il est globalement très cohérent, alors que la liste des communautés ne l'est pas.

Bibliographie

RAYNAL Mathieu, La maréchaussée en Rouergue (1768-1791), mémoire de maîtrise sous la direction de Sylvie Mouysset, Toulouse, 2002.

RAYNAL Mathieu, "La Rouergats et la maréchaussée à la fin XVIIIe siècle", dans la Revue du Rouergue, Rodez, Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, numéro 84, 2005.

RAYNAL Mathieu, "La répression du port d'armes et du braconnage par la maréchaussée (1750-1755)", dans Etudes aveyronnaises, Rodez, Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, 2010.

RAYNAL Mathieu, "Maréchaussée et bandes de voleurs en Rouergue durant les années 1720-1730", dans Etudes aveyronnaises, Rodez, Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, 2011, p. 448.

RAYNAL Mathieu, "La maréchaussée rouergate à travers les registres paroissiaux", dans Etudes aveyronnaises, Rodez, Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, 2015.

RAYNAL Mathieu, "La maréchaussée accusée : plaintes et assignations contre les personnels des brigades rouergates au XVIIIe siècle", dans Etudes aveyronnaises, Rodez, Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, 2016.

BOU Jean-Yves, Atlas du Rouergue à la veille de la Révolution Française, Millau, 2016.

Commentaires

  • RAYNAL Mathieu

    Au sujet d'une brigade à Nant ou à Sauclières :

    à partir de la grande réforme de 1720 , deux brigades furent installées à Rodez. En 1747, l'administration décida de déplacer l'une d'entre elles vers Nant. Cependant, elle fut vite transférée vers Sauclières, puisqu'un cavalier en résidence à Sauclières rédigea un procès-verbal en 1752.

    L'arrivée du prévôt général Ayrolles des Angles, en 1758, complique la situation. Il est originaire de Nant et y réside plusieurs mois dans l'année, alors que le siège de la compagnie est à Montauban. Il a sans doute ordonné à la brigade de Sauclières de se rendre à Nant, sans autorisation officielle et à la grande fureur des consuls, afin de disposer d'hommes à lui dans le bourg.

    Toujours est-il que le secrétariat à la Guerre, en 1765, ordonne le retour des hommes à Sauclières. En 1766, c'est donc dans ce bourg et non à Nant qu'était établie une brigade. Cependant, une procédure judiciaire lancée contre Ayrolles en 1773 montre qu'il avait auprès de lui, à Nant, des hommes prélevés dans d'autres unités, notamment un de Caussade. Finalement, en 1785, la brigade revient à Nant...

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