Communautés et seigneuries autour du Vibal
Atlas du Rouergue
Écrit par Jean-Yves Bou et publié le 20 Jan 2017
10 minutes de lecture
A la recherche de la communauté de Pachins ...
Extrait de la carte de Cassini, région du Vibal, publiée vers 1781
Dans l'Atlas du Rouergue, publié en novembre 2016, j'ai proposé une carte de la commune du Vibal qui restait très incomplète quant aux communautés et aux seigneuries (volume I, page 245). En janvier 2017, j'ai repris ce dossier pour réaliser une carte plus complète, accompagnée d'un texte explicatif plus précis. Les premiers résultats de l'enquête m'amènent aussi à corriger la carte des paroisses.
La commune du Vibal fut formée en trois temps :
- Au début de la Révolution française, la commune de Barry-Vigouroux et sans doute celle de Pachins furent réunies à Frayssinhes (registre d'état civil de 1793, 4 E 141-1).
- Puis cette nouvelle commune et celle du Vibal furent jointes à Pont-de-Salars.
- Et finalement, en 1830, la commune du Vibal fut détachée de Pont-de-Salars.
Au cours de ce processus, plusieurs enclaves furent supprimées (voir Marc Vaissière, De Roèrgue a Avairon, 2005, p. 224).
La question des limites communales
Les limites actuelles des communes sont donc issues d'une longue histoire de modifications. Si elles ont pour origine les limites des communautés, ce n'est pas systématique. Et les documents ne sont peut-être pas toujours fiables. Les limites de la partie occidentale de la commune du Vibal, ancienne commune de Frayssinhes illustrent ces remarques.
Les Archives départementales conservent un plan cadastral de la commune de Frayssinhes de 1805, en couleur, par nature de cultures (21 P 1-518).
Sur ce plan, les limites diffèrent de la situation actuelle dans quatre secteurs. Trois des différences sont tracées en rouge sur la carte suivante. L'une concerne la limite avec Agen-d'Aveyron, une autre avec Pont-de-Salars (Saint-Georges-de-Camboulas en 1805) et la troisième avec Flavin. Ce dernier cas est évoqué plus loin, dans le paragraphe sur Pachins...
Le problème du terroir de La Bouleste
Le quatrième cas est complexe. Il concerne le terroir de La Bouleste ou La Vouleste. Il est aujourd'hui dans la commune de Pont-de-Salars, mais dans celle de Frayssinhes sur ce plan de 1805. Sous l'Ancien régime, il faisait partie de la paroisse de Frayssinhes, comme l'atteste la reconnaissance au roi du 5 mars 1736 (C 1113, f° 150v). Ses confronts étaient : à l'est le chemin de Frayssinhes au château de Camboulas, au sud le cami ferrat allant de Rodez à Ségur, à l'ouest le terroir de L'Hom et au nord les autres terres des habitants de Frayssinhes. Le fait qu'il soit reconnu séparément des autres biens des habitants de Frayssinhes, qui relevaient eux aussi de la justice royale, laisse supposer qu'il dépendait d'une autre communauté, plus probablement celle de Saint-Georges-de-Camboulas, contiguë. Il faudrait trouver d'autres documents qui expliquent comment les limites ont pu évoluer à cet endroit. Et comment interpréter le plan de 1805 : situation du moment ? erreur ? modification volontaire du tracé ?
Il reste que le document de 1736 montre que ma première carte paroissiale était erronée puisque j'avais placé le terroir de La Bouleste dans la paroisse de Saint-Georges-de-Camboulas, en traçant la limite paroissiale sur celle des communes actuelles.
Les sources pour restituer l'état ancien des communautés et des seigneuries
Pour comprendre comment les hameaux étaient répartis entre les différentes communautés et seigneuries, j'ai principalement utilisé :
- Le livre de Marc Vaissière, De Roèrgue a Avairon, qui reproduit plusieurs sources à ce sujet dans son dictionnaire des communautés.
- Les reconnaissances au roi pour le commun de paix en 1734 (AD 12, C 1133), et les reconnaissances de tous les droits royaux pour la chatellenie de Camboulas dans les années 1730 (C 1113).
- Des réponses de curés et de consuls à une enquête au sujet des paroisses et des communautés (1783, AD 46, C 16 et 17).
Les communautés et leurs seigneurs
Barry-Vigouroux
Cette petite communauté était formée de trois territoires séparés, dont le principal se trouvait dans la paroisse de Frayssinhes et ne comprenait que le village de Barry. Les deux autres sont étudiés dans les articles concernant Canet-de-Salars et Flavin (à venir).
Le 13 septembre 1734, Antoine Alary, consul unique de Barry reconnut au roi son droit de souveraineté, dominité et commun de paix. Il déclara que la justice et directe appartenait à noble Amans Charles de Vigouroux (AD 12, C 1133, f°17). La famille de Vigouroux détenait cette seigneurie depuis le XVe siècle. Amans Charles de Vigouroux (1696-1779) acquit plus tard la seigneurie d'Arvieu (Arvieu, des femmes, des hommes et leurs racines, dir. Suzanne Barthe, C.G.A., Millau, 2016, p. 241-246).
Le château de Barry
Les deux autres territoires – ou membres – de la communauté firent une déclaration séparée. Ils relevaient tous deux de la justice royale mais avaient des seigneurs directiers différents. L'un des deux, le village du Pouget (aujourd'hui dans la commune de Flavin), avait son propre cadastre (AD 12, 2 E 90-5, 1638).
De toutes ces indications, on peut déduire que la communauté était une fiction administrative et que chaque village était autonome.
Frayssinhes-Saint-Jean
Apparemment, la communauté de Frayssinhes comprenait la majeure partie du chef-lieu, Frayssinhes, également siège paroissial, et Le Gory, relevant de la paroisse de Saint-Martin-de-Cormières.
Il semble que ces lieux étaient autonomes, bien que contigus. En voici les indices :
- Le cadastre de Frayssinhes (AD 12, 2 E 141-6, 1649) ne concerne que le village.
- Les deux firent des déclarations séparées au roi :
- Le 11 septembre 1734, Antoine Albouy et Jean Viala, représentants des habitants de Frayssinhes déclarèrent que le roi était leur seigneur justicier. La justice était exercée par les officiers du sénéchal-présidial de Rodez . La directe appartenait à «Messieurs du chapitre et anniversaires de Notre-Dame de Rodez» (C 1113 et C 1133).
- C'est le 9 septembre 1734 que Pierre Bounhol, habitant du Gory, qui ne comptait que deux feux, fit reconnaissance au roi de son droit de souveraineté, dominité et commun de paix : La justice et la directe appartenaient au commandeur de Limouze, de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Cependant l'exercice de la justice était assuré en première instance par les officiers du présidial de Rodez.
Le document suivant est une réponse du curé de Frayssinhes à une enquête de l'intendance de Montauban (AD 46, C 17, 1783) qui montre que Le Gory était tout de même dans la communauté de Frayssinhes, alors qu'il relevait d'un autre seigneur et d'une autre paroisse et avait son propre taillable : photomontage
Cela explique que la communauté s'appellât Frayssinhes-Saint-Jean. En effet, l'attribut Saint-Jean caractérisait les communautés relevant des Hospitaliers (Anglars-Saint-Jean, Limouze-Saint-Jean). Or Frayssinhes étant du domaine royal, l'attribut concernait Le Gory.
Cela expliquerait aussi que l'on trouve parfois l'expression «Frayssinhes-Saint-Jean et membres» (AD 46, C 1409-6) ; le membre unique étant Le Gory.
Des enclaves dans la communauté de Frayssinhes, dont l'appartenance est indéterminée
Le plan cantonal de Pont-de-Salars (vers 1829, 1 M 582) montre qu'il y avait cinq enclaves de communautés extérieures dans le secteur de Frayssinhes et Pachins. À la date de 1829, quatre de ces enclaves dépendaient de la commune de Flavin (n° 1 à 4) et une de Saint-Georges-de-Camboulas (n° 5). Dans la mesure où ces communes étaient elles-même issues du regroupement de communautés, cette information ne permet pas de savoir à quelles communautés d'Ancien Régime appartenaient ces enclaves. Par ailleurs, ce plan est très approximatif ...
Au bas de ce détail du plan, on aperçoit Le Pouget, qui était membre de Barry-Vigouroux. Le plan indique aussi le terroir de Foncalde (n° 10), enclave de la commune de Frayssinhes dans celle de Flavin en 1805. Il reste à préciser à quelle ancienne communauté il appartenait.
D'autres documents permettent d'émettre des hypothèses :
- Le compois de La Branque-Flavin, communauté émiettée en de multiples petits territoires, principalement situés dans la commune actuelle de Flavin, comprend le terroir de Balosse, possédé en indivis par les habitants de Frayssinhes (2 E 90-6, 1667). Il pourrait s'agir d'une de ces enclaves.
- La réponse à l'enquête de l'intendance de 1783 pour la communauté des Bastries indique des biens dans la paroisse de Frayssinhes (AD 46, C 16). Or, le cœur de la communauté était situé au sud de la commune actuelle de Flavin, séparé de Frayssinhes par d'autres communautés. Donc une des enclaves au moins appartenait à la communauté des Bastries.
Je suis surtout curieux de savoir à quelle communauté appartenait la seule enclave habitée (n° 2), qui comptait 4 maisons et 15 habitants du village de Frayssinhes.
Pachins
Il est difficile de trouver des informations sur Pachins. Les registres de reconnaissances royales du secteur ne contiennent pas de déclaration pour cette communauté. Mais je n'ai pas consulté toutes les sources possibles : c 'est en particulier sur ce point que cet article n'est pas encore achevé. Mais les commentaires d'Emmanuel Rive qui suivent cet article permettent de compléter les informations que je donne ici, et de répondre à quelques questions.
Devenue commune en 1790, elle comprenait alors 8 habitants (AD 12, 5 L 90, cité par M. Vaissière).
Plusieurs sources des Archives départementales du Lot la place dans la paroisse de Frayssinhes, où un seul lieu n'appartient à aucune autre communauté, le domaine de La Burguière.
Indice ténu, mais concordant : dans la reconnaissance au roi pour la communauté de Glandières-Fabrègues (paroisse d'Inières, commune de Flavin à la limite de celle du Vibal, article à venir), on trouve comme confront au nord la communauté de Pachins, ce qui colle avec la situation géographique du domaine de La Burguière (C 1133, f° 40v).
La consultation de la base du C.G.A. m'a apporté l'information qu'en 1759, ce domaine appartenait à M. de Balsa, sieur de Gamarus (testament de son fermier Jean Viala, du 24 janvier devant Me Pons, notaire à Rodez, 3 E 2151). Il en était peut-être le seigneur justicier.
La Burguière et son terroir
Tiens! il se trouve que j'ai dans ma généalogie ascendante la famille Viala de La Burguière (XVIIIe siècle), précédemment Boyer (fin XVIIe-début XVIIIe siècle), antérieurement Bompar (XVIIe siècle), succédant à Carrier (XVIe-XVIIe siècle). Le registre paroissial de Frayssinhes contient un acte intéressant, le décès de Marie Bompart, veuve Viala, le 24 novembre 1768, à l'âge de 100 ans. En fait, il s'agit de Marie Boyer, mais elle est désignée par le nom de famille de sa mère, peut-être devenu le nom de la "maison". Une pratique que l'on retrouve régulièrement. Et en réalité, elle n'a pas 100 ans, mais presque 85 ans, étant née le 23 décembre 1683.
Le plan cadastral par nature de culture de 1805 de la commune de Frayssinhes, dont il est question au début de cet article (21 P 1-518) ne comprend pas La Burguière, qui est placée dans la commune de Flavin. C'est la grande route de Rodez à Pont-de-Salars qui sert de délimitation. Il est difficile de dire si cela peut correspondre à une ancienne limite de la communauté de Pachins avec celle de Frayssinhes, ou si c'est un tracé simplificateur, dont la motivation serait à déterminer.
Le Vibal
Le Vibal au loin, vu de La Bouleste, sur fond de Lévézou
Le 20 février 1736, les habitants et tenanciers de la communauté reconnurent au roi toute justice, exercée par les officiers du sénéchal-présidial de Rodez (C 1113, f° 39).
La limite entre la communauté du Vibal et celles de Frayssinhes et Barry-Vigouroux reproduit celle tracée sur les plans cadastraux par nature de cultures de 1805 (21 P 1-518, Frayssinhes et Le Vibal). Comme je l'ai précisé en début d'article, il faut toutefois être prudent car ces plans ne semblent pas toujours exacts.
L'église de Saint-Martin-de-Cormières
Ayrinhac et Montrozier
Vue vers le nord depuis le col d'Aujols, situé sur la limite entre les communautés du Vibal et d'Ayrinhac. Le village de Reilhac et cette partie de la forêt des Palanges étaient dans la paroisse de Saint-Martin-de-Cormières
Les hameaux du nord de la paroisse de Saint-Martin-de-Cormières relevaient des communautés et seigneuries d'Ayrinhac et de Montrozier. La première faisait partie du marquisat de Sévérac-le-Château et la seconde appartenait au domaine royal.
Emmanuel Rive
Voici quelques éléments qui pourraient aider à résoudre le mystère de Pachins ... Attention, ils remontent à 4 siècles avant, donc il a pu se passer des choses entre temps !
en 1415, une communauté figure sous le nom "les hommes de M. Jean de Pachins" (A.D. Aveyron, C1210 : rôle de taille du comté de Rodez).
C'est bon signe, la Burguière est mentionnée ! Dommage, pas de Bouleste par contre ...
S'agit-il de l' "acte de naissance" de la communauté ?
Jean-Yves Bou
La famille de Grialou a gardé la seigneurie de Pachins jusqu'au mariage de Louise avec Jean François César de Malvin de Montazet en 1726.
Il s'agit du village de PACHINS aujourd'hui dans la commune de Vaureilles, entre Rignac et Peyrusse-le-Roc, loin de Frayssinhes.
Alors ? Le hameau de La Burguière et ses alentours formaient apparemment une enclave dépendante des seigneurs de Pachins, qui ont donné leur nom à la communauté, comme dans beaucoup d'autres cas en Rouergue.
Mais au XVIIIe siècle, la même famille était-elle encore seigneur de la communauté de Pachins de Frayssinhes ?
emmanuel rive
Oui, pour moi, le "Pachins" de la communauté se réfère bien au "Pachins" loin là-bas vers Villefranche. Pour dire ça, je m'appuierais sur les rôles de taille du comté de Rodez : (à chaque fois, la ligne est placée dans le ressort de Camboulas et a bien l'air de s'identifier à la communauté de Pachins)
Par ailleurs, le titre du brevet conservé en 7H101 (cité dans le commentaire précédent) est : "Brevet des actes qui regardent la Chapelle de St Amans de Rodès de laquelle Monsieur de Montazet seigneur de Pachins est patron, et a les droits seigneuriaux avec justice haute moyene et basse fait le 2° 7bre 1747".
Donc, au XVIIIe, les Malvin de Montazet avaient la justice sur les mas en question (puisque je ne crois pas qu'on puisse avoir la justice sur une chapelle ...).
D'autre part, à la Valayrie, il y a eu au moins un habitant : "29/4/1376 : reconnaissance par Jean Chausi du village de la Valayrie en faveur de noble Jean de Carlat", mais c'était il y a longtemps ... Le village a peut-être été abandonné après, c'est l'époque de la guerre de Cent ans, j'ai plusieurs cas analogues à Ségur.
Pour le cammas de la Guarrigue, aucune idée, mais si je devais parier, je dirais que ce n'était pas habité, toujours par analogie avec Ségur : tous mes cas de "cammas de x" sont des mas abandonnés.