Paroisses, communautés et seigneuries : Campuac
Atlas du Rouergue
Écrit par Jean-Yves Bou et publié le 15 Oct 2016
8 minutes de lecture
Paroisses, communautés et seigneuries, le cas de Campuac
(article publié dans le Bulletin du Cercle Généalogique du Rouergue numéro 85 en juillet 2013)
La commune actuelle fut créée en 1853 par détachement de Villecomtal. Une première commune de Campuac avait été créée pendant la période révolutionnaire et réunie à celle de Villecomtal en 1832. Sous l’Ancien régime, le territoire actuel de la commune était partagé entre trois paroisses, mais surtout, il était éclaté en une multitude de fragments de communautés et de seigneuries.
CARTE 1 : les anciennes paroisses
La carte représentant les limites des anciennes paroisses sur le territoire de la commune actuelle de Campuac a été relativement facile à réaliser.
Dans l’enquête épiscopale de 1771, le curé déclare que 19 lieux-dits dépendaient de Campuac. La liste de Grimaldi dans les Bénéfices du diocèse de Rodez donne 20 noms. Deux d’entre eux ne correspondent pas : Saint-Rames (paroisse de Golinhac) et La Malvinie (non identifié).
La carte de Cassini montre 17 des 18 autres lieux cités par Grimaldi. Il y manque « Eliqui », qui s’avère être Le Cliqui, aujourd’hui dans la commune de Villecomtal.
Des sondages dans les registres paroissiaux de Campuac (BMS, 1734-1736, 1744-45, 1773-1776 et 1788-1791) confirment globalement la liste et permettent d’ajouter 5 noms de lieux, des métairies sans doute habitées temporairement.
Deux listes de 1802 (A.D.12, 2 V 15) donnent 18 noms avec le nombre de maisons.
On obtient ainsi la liste suivante, pour une population totale d’environ 600 habitants : Maisons, hameaux et villages (maisons, 1802, A.D.12, 2 V 15) : Anterrieux (1), La Brévarie (La Barbarie), Le Barthas (4), La Bessière (8), Les Cadès (BMS), Campuac (30), Caroul, Causseran (5, Gauzeran), La Caze (4), Le Cliqui (1), Comès (13), Le Cros (1), Ferriès (Farriès, 10), La Force (1), Le Fouillet (1), La Garrigue (11), Le Maynié (7), Les Monts (17), Orsières (2), Le Pouget (une mention BMS), La Pradelle (3), La Roussille (1), Tauriac (une mention BMS), Teissières.
Deux domaines, Anterrieux et Le Cliqui, sont dans la commune actuelle de Villecomtal. Les autres lieux sont dans celle de Campuac.
La même démarche a permis de constater que le nord-ouest de la commune relevait de la paroisse de Golinhac et que deux hameaux du sud-est dépendaient de Saint-Géniez-des-Ers.
La plupart des limites paroissiales tracées sur la carte reprennent celles des communes actuelles. Elles pouvaient évidemment être légèrement différentes sous l’Ancien régime. D’autres limites ont été imaginées pour cette carte. Ainsi, pour séparer le territoire de Fraunac et Roumanettes, j’ai suivi le tracé de deux ruisseaux, qui entaillent profondément le plateau. Pour dessiner la limite entre la paroisse de Golinhac et celle de Campuac, j’ai choisi de suivre la D 904 qui correspond à l’ancienne « estrade d’Antraygues à Villecomtal ». Pour le territoire d’Anterrieux et du Cliqui, c’est le bord du plateau qui a inspiré le tracé.
La paroisse Saint-Pierre-aux-Liens de Campuac dépendait de l’abbé de Conques, qui levait la dîme sur son territoire, nommait le curé et lui versait une pension. L’église, reconstruite au XIXe siècle intègre des éléments de l’église antérieure, en particulier des corbeaux (notice de Jean Delmas, Al canton, Estaing, p. 14).
Il y avait une domerie, un établissement religieux, dans la forêt à Teissières. Le dom était à la tête d’une petite seigneurie. La chapelle Saint-Antoine était en très mauvais état en 1738. Il subsiste quelques ruines.
CARTE 2 : les anciennes communautés et seigneuries
Avant la Révolution française, le Rouergue était divisé en communautés, territoires principalement destinés à la fiscalité royale qui sont à l’origine de nos communes (voir Marc Vaissière, De Roèrgue a Avairon. Histoire administrative : des communautés du Rouergue aux communes de l’Aveyron, éditions del Monsènher, 2005). Les limites de ces communautés avaient été établies à partir du bas Moyen-Âge sur le réseau des territoires seigneuriaux. En fonction des régions de l’ancien Rouergue, les limites de ces communautés sont très simples ou plus complexes à établir. Campuac fait partie des territoires où le morcellement des seigneuries et des communautés était extrême.
En effet, le territoire de la commune actuelle était partagé entre les communautés de Georges de La Parra (ou Campuac), Dom-de-Teissières, Pénavayre, avec des enclaves de Golinhac, Guizard, Servières, Villecomtal et sans doute d’une autre communauté, non identifiée. À une échelle plus large, ce territoire était une zone de contact entre des communautés souvent grandes et morcelées (Villecomtal, Guizard, Golinhac, Entraygues, Rodelle), entre lesquelles s’inséraient des micro-communautés (Georges de La Parra, Dom-de-Teissières, Pénavayre).
Reconstituer cartographiquement les territoires de ces communautés est une gageure car il n’existe pas beaucoup de sources. Pour Campuac, les cartes et plans conservés sont tous postérieurs au regroupement des communautés. Pour ce travail, j’ai utilisé principalement les compois : de Georges de La Parra ou Campuac (1664, A.D.12, 2 E 45-2), de Dom-de-Teissières (non daté, A.D.12, 2 E 43-3), de Pénavayre (1665, A.D.12, 2 E 85-6), de Golinhac (1634, mairie d’Entraygues), de Guizard (1579, A.D.12, 2 E 298-11), de Servières (1664, A.D.12, 30 J 76) et de Villecomtal (1669, A.D.12, 40 J 34), ainsi que les reconnaissances féodales de Rodelle (1738, A.D.12, C 1175).
La plupart des lieux habités de la commune actuelle ont été retrouvés dans ces compois, à l’exception notable de Causseran (anciennement Gauseran) qui était un village assez important (5 à 6 maisons) et qui ne figure dans ces compois que comme « forain », extérieur. Il reste donc cette énigme à éclaircir … à quelle communauté appartenait-il ?
La carte montre qu’en terme de communautés et de seigneuries le territoire actuel de Campuac était donc fragmenté entre les communautés suivantes :
(On notera que le village de Campuac était divisé entre deux communautés)
Georges de La Parra ou Campuac, qui comprenait principalement les trois quarts des maisons de Campuac, mais aussi des terroirs éparpillés autour, comme celui des Ayrals. Il semble, mais c’est à confirmer, qu’en 1784 les coseigneurs justiciers étaient Étienne de Nattes, seigneur de Villecomtal, et Antoine Dauban, bourgeois de Campuac, fermier général de la seigneurie de Villecomtal et acquéreur de nombreux fiefs.
Dom de Teissières, communauté apparemment d’un seul tenant, à l’est de la commune, autour de la domerie, incluant un quart des maisons du village de Campuac et deux hameaux relevant de la paroisse de Saint-Géniez-des-Ers. Le dom en était le seigneur justicier.
Pénavayre ou Nacoulorgues, petite communauté apparemment d’un seul tenant autour du village de Nacoulorgues comprenant aussi le Piboul et une métairie dite La Pradelle, qui reste à localiser précisément. En 1665, Pierre de la Calmontie, seigneur de Villecomtal l’était aussi de Pénavayre.
Golinhac-chef-lieu. La commune actuelle de Golinhac était elle-même complètement fragmentée entre deux communautés, celle de Golinhac membre d’Entraygues et celle de Golinhac-chef-lieu. Cette seconde communauté avait deux enclaves dans la paroisse de Campuac : le domaine de La Roussille et le hameau de Ferriès. En 1784, Louis-Joseph-Charles-Philippe Izarn de Freissinet, comte de Valady était aussi seigneur de Golinhac.
Guizard ou Georges Gizard ou La Guizardie. La communauté de Guizard était composée de trois membres. Symboliquement, le principal se trouvait autour du château de La Guizardie, dans la commune de Villecomtal, et le domaine du Cliqui, paroisse de Campuac, en dépendait. L’ouest de la commune actuelle de Campuac formait le deuxième membre, d’un seul tenant, autour de Beders. C’était la partie la plus peuplée de la communauté et les assemblées se tenaient à Beders. Il relevait de la paroisse de Golinhac. En 1786, Jean-François-Louis de Blanc de Guizard était seigneur de la Guizardie.
Rodelle. Le hameau du Cros, à l’extrémité orientale de la commune, était une enclave de la communauté de Rodelle, qui relevait du roi.
Servières. La communauté était centrée autour du village de Servières, commune de Villecomtal. Elle comprenait le nord-ouest de la paroisse de Campuac et des terroirs éparpillés. En 1784, Louis-Joseph-Charles-Philippe Izarn de Freissinet, comte de Valady était aussi seigneur de Servières.
Villecomtal. La communauté de Villecomtal était composée de multiples territoires de tailles variées, dispersés autour du bourg et enclavés entre d’autres communautés. Dans la paroisse de Campuac, les villages des Monts et de La Pradelle, les domaines d’Anterrieux et de Tauriac et des terroirs comme celui de La Capelle, relevaient de Villecomtal. En 1784, Étienne de Nattes était seigneur de Villecomtal.
Les informations sur les seigneurs sont tirées des déclarations des revenus nobles de l’élection de Rodez (A.D.12, C 1598 à 1603). Elles ne concernent que les seigneurs détenteurs de la seigneurie éminente et de la haute justice. Il y avait quantité d’autres seigneurs directiers (qui possédaient seulement des droits fiscaux).
Il serait possible d’établir une carte plus précise à partir des compois, mais cela demanderait un travail considérable, très chronophage, de reconstitution parcelle par parcelle.
Ainsi, dans le cas de Campuac, mais il n’est pas représentatif de l’ensemble du Rouergue, le découpage paroissial était évidemment bien plus rationnel et pertinent que le découpage des communautés. C’est pourtant le second qui a été à l’origine des communes actuelles, mais pour Campuac, nul doute que la cohérence de l’ancienne paroisse a en partie influencé la recomposition territoriale de la commune.
Jean-Yves Bou.
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